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Trisomie : la traque s’intensifie encore

Le lecteur assidu du Journal Officiel aura pu découvrir dans l’édition du 7 mai dernier que le Diagnostic Prénatal Non Invasif (DPNI) faisait désormais partie de la panoplie des examens de diagnostic prénatal… Un dépistage accru que la justice a récemment encore validé en condamnant un CHU pour n’avoir pas diagnostiqué une trisomie 21.


S’il y a bien un domaine dans lequel la science progresse vite, c’est celui du dépistage de la trisomie 21. Les derniers rapports officiels indiquent que 92 % des enfants trisomiques sont dépistés et que 96 % d’entre eux sont avortés. Mais d’aucuns rêvent d’un impeccable 100 %. Dernière trouvaille en date, celle du Diagnostic Prénatal Non Invasif (DPNI), qui consiste à prélever du sang de la mère et à prélever dans le plasma de l’ADN fœtal afin d’en lire le code génétique et de déterminer les risques de trisomie 21. Un décret publié au Journal Officiel le 7 mai dernier – évidemment passé inaperçu un jour d’élection – intègre le DPNI dans la liste des examens de diagnostic prénatal.


Dans la précipitation

Mis en place depuis 2016 dans trois hôpitaux français, il a été généralisé à tous les hôpitaux de l’Assistance publique-­Hôpitaux de Paris (AP-HP) en mai dernier, après l’ouverture d’un centre de traitement des échantillons… Alors même qu’à l’époque, la Haute Autorité de Santé (HAS) n’avait pas publié l’intégralité de l’étude ­médico-économique qu’elle menait sur le sujet. Des hôpitaux vraiment très pressés, donc, de traquer toujours plus efficacement les fœtus atteints de trisomie 21. Empressement partagé par le ministère de la Santé qui finance le DPNI, dont le coût s’élève à 390 € et qui n’est pas (encore) remboursé par la Sécurité sociale.

Un premier dépistage dit « précoce », puisqu’il intervient au cours du premier trimestre de la grossesse, avait été mis en place en 2010, sous le nom de dépistage combiné. Il se base à la fois sur l’âge de la mère, l’échographie et le dosage de marqueurs biochimiques présents dans le sang de la mère. Si le test révèle un risque de trisomie 21 supérieur à 1/250, la mère a la possibilité de subir une amniocentèse. Cet examen, invasif puisqu’il suppose de prélever du liquide amniotique, induit un risque de fausse couche de l’ordre de 0,5 à 1 %.

Plus fiable que le dépistage combiné mais moins fiable que l’amniocentèse, le DPNI a été pensé pour recourir à celle-ci uniquement pour les fœtus présentant un risque très élevé d’anomalie chromosomique. Il y a bien sûr cette volonté politique d’éradiquer la maladie en éradiquant le malade, ce ­rêve d’un homme « parfait », voire augmenté.


L’intérêt financier

Au rêve transhumaniste s’ajoute, quoique cet aspect soit rarement évoqué sur la place publique, un évident intérêt financier puisque le marché du dépistage de la trisomie 21 représente quelques 65 à 250 millions d’euros par an.

Enfin, il est clair que les établissements de santé cherchent à se prémunir toujours plus efficacement contre d’éventuelles attaques en justice en cas d’erreur de diagnostic.

Le 19 avril dernier, le CHU de Limoges a été condamné pour n’avoir pas diagnostiqué la trisomie 21 d’une petite Maylis, aujourd’hui âgée de 7 ans. Le CHU est coupable d’un « préjudice moral tiré de l’impréparation à la naissance d’un enfant handicapé » et de la perte de chance, pour la mère « de pouvoir recourir à une interruption médicale de grossesse ». Si le tribunal de Limoges n’a pas accepté la demande d’indemnisation de la fratrie pour « préjudice moral », les parents de Maylis ont quand même été indemnisés à hauteur de 50 000 € pour la mère et 30 000 € pour le père.

On saisit que les hôpitaux soient si prompts à proposer de nouveaux procédés de dépistage s’ils peuvent protéger leur réputation et leur portefeuille.

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